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Titre du blog : Le Petit Charbonnier
Auteur : petitcharbonnier
Date de création : 15-01-2009
 
posté le 29-09-2009 à 22:24:39

Combien serons-nous de Cotvaquois en 2100 ?

A regarder les chiffres des recensements successifs, la réalité saute aux yeux : la population de Cour-l’Evêque baisse. Les prévisions ne sont pas vraiment encourageantes pour notre village comme pour notre département et notre région même. Au dernier recensement, la région Champagne-Ardenne est la seule région de France à avoir perdu de la population (-0,4 %) ! Ce chiffre pourrait paraître faible mais il est surtout significatif.

 

Pour notre village, la baisse est beaucoup plus importante puisque depuis 2000, nous sommes passés de 211 à 183 habitants, soit une baisse de presque 13% ! Cela représente schématiquement 28 personnes qui ont quitté le village. Le calcul n’est pas aussi simple car des personnes sont arrivés pendant que d’autres partaient. Les 28 personnes représentent en fait le solde migratoire. Pourtant, si on regarde autour de nous, dans notre « quartier », on n’a pas vraiment l’impression que des gens sont partis. On a même le sentiment que nos voisins sont toujours là. Alors d’où vient ce solde migratoire négatif ?

 

Cour-l’Evêque a cette particularité d’avoir, depuis le début des années 70, deux immeubles HLM qui connaissent des entrées et des sorties assez régulières. Ces deux immeubles ont un potentiel d’accueil total d’environ 40-50 personnes (18 appartements). Cela peut représenter jusqu’à un quart de la population du village et donc quand il y a des mouvements de population aux immeubles, l’influence en est forcément importante. Outre ce premier point, il semble que le village ait du mal à « fixer » les jeunes qui, à un mo-ment ou à un autre, décident de partir. Ceci est d’autant plus dommageable quand il s’agit d’une famille avec enfant(s).

 

le constat est donc simple

 

De plus en plus de logements aux immeubles sont vacants (et le restent plus longtemps) et de moins en moins de jeunes restent habiter au village. Quelles en sont donc les raisons ?

 

Pour répondre à cette question, penchons-nous sur notre passé récent. Le début des années 70 marque une augmentation spectaculaire de la popu-lation de notre village, passant de 113 à 171 habitants en l’espace de 7 ans (1968-1975), soit un bond de plus de 51 % ! L’augmentation s’est poursuivie jusqu’au début des années 80 pour arriver à un « sommet » de 216 habitants : en 14 ans, la population de Cour-l’Evêque a doublé ! C’est tout simplement remarquable, surtout en milieu rural où depuis les années 60 sévit ce qu’on a appelé l’exode rural. Ce qui est aussi remarquable est le fait que la population s’est maintenue à ce niveau pendant les vingt années suivantes. Ce n’est que depuis le début des années 2000 que l’on remarque un début de déclin. A titre de comparaison, entre 1968 et 1982, Arc-en-Barrois est passé de 801 à 835 habitants (+ 4,24 %) et Coupray est passé de 124 à 140 habitants (+ 12,90%) (source INSEE).

 

INTERVIEW

 

Il m’a paru intéressant d’expliquer cette formidable évolution démographique entre 1970 et 2000 en questionnant une personne qui était à l’époque « dans le vif du sujet ». Il s’agit de Charles FEVRE qui a été Maire d’Arc-en-Barrois, Conseiller Général de notre canton, Conseiller Régional et Député de Haute-Marne.

 

Le Petit Charbonnier : "Comment expliquez-vous ce doublement de population à Cour-l’Evêque en l’espace de seulement 14 ans ?

 

Charles FEVRE : Un peu d’histoire locale est nécessaire. Je me suis présenté à l’élection cantonale de 1967 avec un objectif prioritaire : revitaliser le canton qui venait de perdre 10 % de sa population dans les dix années précédentes alors que nous étions dans la période dite des « Trente (années) glorieuses ».

 

Pour cela un seul moyen : amener des emplois pour fixer la population, les jeunes notamment. Le hasard m’a fait rencontrer Ludvik Vidnar implanté à Bagnolet et qui cherchait à transférer son entreprise en province afin d’y développer un nouveau produit.

 

Les circonstances locales ne permettant pas son installation à Arc, je me suis naturellement tourné vers Cour-l’Evêque où la « greffe » a prise grâce à la ténacité de Ludvik Vidnar, mais aussi grâce à deux personnes auxquelles il faut rendre hommage : Jean-Paul Guillaume, le Maire, qui a accepté de céder un hectare de terrain pour construire l’usine, et Jean Matuchet qui sur ma demande à vendu à l’Office H.L.M. le terrain nécessaire à la construction des 18 logements que j’avais obtenu directement à Paris. Je n’oublierai pas de citer aussi Serge Rémy dont l’aide efficace mérite d’être soulignée.

 

J’ajouterai que pour faciliter cette implantation, j’ai fait réaliser par la Commune la première opération immobilière « relais » dans le département : la Commune a financé le transformateur électrique grâce à un emprunt et l’a cédé à l’entreprise en location-vente, d’où au final une « opération blanche » pour la Commune. 

 

Etaient ainsi réunis les deux ingrédients de la stabilisation d’abord, du développement démographique ensuite : les emplois et les logements. Ceux-ci étant locatifs, ils devaient servir de relais pour des candidats à l’accession à la propriété dès lors que leur emploi se révélerait stable et pérenne.

 

C’est ce qui s’est d’autant mieux passé qu’après l’inauguration de l’usine Vidnar le 6 Juin 1970, j’ai trouvé et pu amener deux ans plus tard, cette fois à Arc-en-Barrois, la Société Soremec-Cehess devenue Schurter. Celle-ci a aussi permis de diversifier l’emploi qui n’était que masculin dans la première.

 

Le Petit Charbonnier : Quels avantages en a tiré notre village et comment expliquez-vous qu’entre 1980 et 2000 Cour-l’Evêque ait pu maintenir sa population à un tel niveau ?

 

Charles FEVRE : La principale conséquence a été la revitalisation de la vallée de l’Aujon, et tout particulièrement de Cour-l’Evêque, par la fixation de la population et surtout de jeunes qui jusque là devaient pour travailler aller habiter en ville.

 

Les emplois directs ont généré des emplois indirects dans l’artisanat, le commerce, les services.

 

Cour-l’Evêque, pauvre en revenus liés à la forêt, en a tiré des ressources nouvelles (taxe professionnelle, accroissement du nombre des contribuables) et a pu ainsi entreprendre des travaux impossibles à financer auparavant.

 

Dans la période 1980-2000, la Commune a bénéficié de la dynamique qui avait été lancée et qui a donc joué sur la durée. Deux autres implantations industrielles (en dehors de Schurter) réalisées à Arc-en-Barrois sont venues conforter ce phénomène, tandis qu’à Cour-l’Evêque même j’avais réussi à fixer l’entreprise de constructions métalliques créée par Jean-Claude Prud’homme.

 

J’ai également veillé à ce que le réseau routier soit amélioré tant vers Arc et Chaumont que vers Châteauvillain, l’utilisation de la voiture étant nécessaire pour qui travaille à l’extérieur de notre secteur comme à ceux qui y viennent en vacances ou comme touristes.

 

Au travers de ces initiatives et d’autres, j’ai cherché à redonner à tous la confiance en l’avenir qui est un élément essentiel du développement économique et social. Je crois que cela a été obtenu à Cour-l’Evêque, mais aussi dans l’ensemble du canton, les Maires ayant efficacement relayé cette démarche.

 

Le Petit Charbonnier : Depuis 2000, le déclin semble s’amorcer. Que faudrait-il faire à votre avis pour changer cette tendance ?

 

Charles FEVRE : Le terme de déclin ne me paraît pas approprié même si une baisse démographique de 13 % entre les deux recensements de 1999 et 2008 est inquiétante. Mais le plus préoccupant est l’évolution d’Arc-en-Barrois (789 habitants au lieu de 898 il y a dix ans) alors que le développement s’articule naturellement sur le chef lieu de canton surtout pour Cour-l’Evêque qui en est la commune la plus proche. 

 

L’effet de l’absence de nouvelles créations d’emploi et de possibilités de construire s’y fait d’autant plus sentir que le phénomène perdure depuis une quinzaine d’années. Il faut malgré tout se réjouir qu’en dépit de la crise, les quatre unités industrielles implantées à Arc et Cour-l’Evêque existent toujours.

 

De surcroît, en examinant la situation démographique au-delà d’Arc et de Cour-l’Evêque, on ne peut pas parler de déclin dans la mesure où la plupart des autres communes du canton ont bénéficié d’une évolution positive de la population. Ce qui montre qu’il n’y a aucune fatalité et que la pire des attitudes consiste à verser dans le fatalisme et l’inaction.

 

Il faut de toute façon s’adapter aux changements profonds d’une société qui ne ressemble plus à celle d’il y a 40 ans : à présent il y a souvent deux voitures par foyer, la famille et la vie familiale se sont transformées, les deux conjoints ayant dans la mesure du possible un emploi, la télévision puis Internet, sans doute utiles en milieu rural, isolent souvent plus qu’ils ne rapprochent, le mode de vie a évolué, la mobilité s’est développée, etc …

 

Un exemple de changement ? Les logements construits à Champfleury correspondent de moins en moins aux besoins réels, et la crise financière actuelle comme l’incertitude du marché de l’emploi freinent la vente de parcelles de lotissement à construire.

 

La majorité des emplois créés de nos jours sont de type tertiaire (services aux particuliers et services aux entreprises, tourisme). C’est de ce côté qu’il faut relancer la recherche d’emplois, sans négliger pour autant l’emploi industriel.

 

Au plan du tourisme, si le parc animalier de loisirs se réalise à Châteauvillain, il y aura là une opportunité d’emplois et de ressources intéressante pour notre secteur.

 

Quant au logement, il faut attendre que le ciel s’éclaircisse sur le plan financier pour que les gens aient à nouveau des possibilités de construire.

 

Le Petit Charbonnier : Comment voyez-vous l’évolution démographique du village d’ici 2100 ?

 

Charles FEVRE : Je n’ai pas le don de voyance. Il vaudrait donc mieux poser la question à Madame Elisabeth Tessier, la nouvelle Madame Soleil !"

 

Etudier dans le temps l’évolution démographique n’est pas simplement un jeu intéressant pour les démographes et tous ceux qui aiment les chiffres. Le recensement a une fonction primordiale, surtout dans les petites communes comme la nôtre : il détermine la somme d’argent que l’Etat nous donne par an pour faire notre budget. En clair, plus on est d’habitants, plus la somme totale est importante, et donc, plus le budget de la commune est important - permettant ainsi de disposer de plus d’argent pour le fonctionnement de la commune et pour ses investissements. Bien sûr cette somme versée par l’Etat n’est pas la seule recette de la commune. Il y a les différents impôts collectés. Mais elle représente quand même un tiers du budget total ! D’où son importance.

 

Christophe FEVRE