Dans notre recherche, avec M. Béguinot Guy, nous avons sélectionné une séance datant du 8 septembre 1908. A cette époque, la commune avait un « Curé » qui habitait le village et il logeait dans un logement appartenant à la commune : la « Cure ».
Sur la proposition de Monsieur Lambert, le Conseil vote un crédit de 10 francs pour la participation de la commune aux « Noces de Diamant » au Curé de Cour l’Evêque qui aurait eu lieu le 1er Janvier. Le Conseil pense en effet que c’est faire acte de reconnaissance à l’égard de Monsieur Boitouzet, Curé de la commune depuis 48 ans.
Ce vote est donc passé en septembre 1908 pour prendre une décision et le Conseil se réunira le 19 octobre de cette même année au lieu ordinaire de ses séances.
Le Président de séance lui a donné lecture d’une lettre de Monsieur Le Préfet en date du 8 Octobre exposant qu’il ne peut autoriser l’ouverture du crédit voté le 8 septembre 1908 pour associer la commune aux cinquantenaire de son mandat. A la suite de la lecture de ce courrier, le Conseil décide d’envoyer à Monsieur le Préfet la lettre suivante, espérant que mieux éclairé, il reviendra sur sa première décision.
Monsieur Le Préfet, par lettre en date du 2 janvier1909, informe Monsieur Le Maire qu’il ouvrira le crédit demandé.
Comme suite aux décisions du Conseil Municipal, une souscription a été ouverte dans la commune. Cette souscription a produit la somme de quarante et un francs et soixante centimes. Une statuette Jeanne d’Arc, un bouquet ont été offert à Monsieur Boitouzet.
La dépense a été de :
- pour la statuette 34.30
- pour le bouquet 5.90
- papier de décoration 1.20
- correspondance, frais divers 2.60
Total 44.20 Francs
Ces reconnaissances ont été offertes par Monsieur Le Maire accompagné de L’Adjoint d’une part, les jeunes gens de la paroisse d’autre part, à la Grande messe du 1er janvier 1909 où deux messages ont été prononcé l’un par Monsieur Mongin Amédé, Maire de la commune, et l’autre par Monsieur Louis Chalmandrier.
Il est important de porter des faits historiques concernant la période et les faits relatés dans les registres du Conseil Municipal car il suit le cours de notre histoire républicaine.
À partir des années 1880, l’installation durable de la IIIe République permet le vote des lois sur la scolarité (laïque, gratuite et obligatoire), et de celle sur le service militaire pour tous (y compris le clergé). Avec ces nouvelles législations plus anticléricales que laïques aux yeux des catholiques, la situation commence à se tendre. Puis en 1901, la politique de «défense républicaine» de Waldeck-Rousseau donne lieu au vote d’une loi sur les associations : l’État limite dorénavant la liberté des congrégations en exigeant la transparence de leurs finances; car, si les congrégations sont accusées d’être riches, elles le sont également d’avoir une influence antirépublicaine sur la jeunesse qu’elles éduquent. Il n’appartient ni à l’Église de faire de la politique ni à l’État de faire de la théologie. En juillet 1904, après l’annonce du projet d’abandon du statut concordataire, la rupture des relations entre l’État et le Vatican aggrave le contentieux entre l’État et l’Église.
LA LOI DE 1905 ET L’OPPOSITION DES CATHOLIQUES
Rapportée par le socialiste Aristide Briand, la loi de séparation est finalement adoptée par la Chambre le 3 juillet 1905, après cinquante séances de discussions. Ayant également reçu l’approbation du Sénat, la loi est promulguée par le gouvernement Rouvier le 9 décembre 1905. Elle enlève toute charge d’entretien du temporel ecclésiastique à l’État, qui reconnaît le libre exercice de tous les cultes sans en privilégier aucun. Elle permet également à l’État de récupérer les biens de l’Église, désormais gérés par des associations cultuelles laïques.
C’est ainsi que l’on peut peut-être comprendre la réaction du Préfet de cette époque. Mais le Conseil Municipal a souhaité aller plus dans le sens de la relation de la qualité humaine et des valeurs profondes auxquelles Monsieur le Curé avait engagé auprès des citoyens de notre village. C’est pour cela que j’ai voulu mettre en parallèle l’histoire et les faits. N’oublions jamais que l’histoire se conjugue au passé mais que celui-ci en découle de notre avenir …
Marie-Agnès Douchet.
Lettre d'Amédée MONGIN, Maire de Cour-l'Evêque en 1908 :
Cour l’Evêque, le 19 Octobre 1908
Le Conseil Municipal à Cour l’Evêque à
Monsieur Le Préfet de la Haute-Marne
Monsieur Le Préfet,
Les soussignés membres du Conseil Municipal de Cour l’Evêque après avoir pris connaissance de votre lettre du 08 Octobre 1908 par laquelle vous informez que vous n’autorisez pas l’ouverture d’un crédit de 10 Francs. Cette décision ainsi votée par la délibération du 08 Septembre 1908 dernier, comme contraire à la loi de séparation de l’Etat et de l’Eglise, les membres ont l’honneur de vous exposer respectueusement que par le vote de cette modique somme, leur intention n’a pas été de voter la dite somme en subventionnant un culte qui conque d’une manière indirecte. Simplement d’associer la commune à la grande majorité des habitants pour la célébration des Noces de Diamant de notre desservant.
Sans ambition personnel, Monsieur Boitouzet, vieillard presque octogénaire est resté au milieu de nous, dans une commune pauvre, au milieu des familles peu aisées, donnant à tous l’exemple d’une vie irréprochable, d’un dévouement de toutes les sens, aux malades et d’un générosité pour les pauvres qui n’avait pas de limites que ses ressources trop restreintes.
En manifestant toute notre estime à cet homme de bien, nous entendons donner à nos enfants un exemple de la reconnaissance dû à ceux qui ont travaillé avec la tâche ardue de l’éducation de la jeunesse.
Faut-il ajouter Monsieur Le Préfet, que nous nous croyons autoriser à cet acte par un précédent fait assez récent ? Il y a quelques années, lorsque notre ancien instituteur a pris sa retraite après 33 ans de bons et loyaux services dans la commune, nous lui avons aussi, la commune d’une part, ses élèves de l’autre, un souvenir de notre estime et de notre reconnaissance.
Tels sont les faits qui ont motivé notre délibération. Nous osons espérer Monsieur Le Préfet, qu’après ces explications sincères, vous voudrez bien revêtir de votre approbation l’explication ci-jointe.
Recevez, Monsieur Le Préfet, mes respectueuses salutations.
Commentaires
Super article Il en faudrait d'autres